Marc Ravalomanana, mon beau et généreux président

29 mai 2012

Marc Ravalomanana, mon beau et généreux président

Tout d’abord, ce billet n’affiche ni préférence ni couleur politique. Le titre a bien été calculé pour attirer ton attention car en blogging, on nous apprend que tout repose sur le titre. Mais ne sois pas vexé comme si je t’ai tendu un piège mon cher lecteur, je te raconte des choses qui se sont passées ici à Madagascar.

Marc Ravalomanana (Source photo)

Le bogosse Ravalomanana

Te souviens-tu de lui ? Il voulait se présenter à la mairie d’Antananarivo, que déjà à 1000 km de là, dans des coins « reculés » comme Tuléar, on eut vague de sa réputation. Jeune, ayant visiblement réussi sa vie et avec un sourire comme celui d’une pub pour dentifrices, on se demandait s’il avait besoin des services d’un conseiller en image, car le charme, c’était clair, Dieu ne l’en a pas dépourvu. Sa chance d’emballer les cœurs des belles-mères décuplait quand il opérait cette espèce de magie d’on-ne-sait-où dans ses discours. On lui reprochait de ne pas très bien parler le français cependant, selon les dires, il avait la langue de Shakespeare dans la poche (il parlait bien anglais). Mais on s’en fout de ces histoires linguistiques, ce n’est pas pour les écrevisses qu’on engage les traducteurs dans les réunions internationales.

 

Premier mandat : Actions avec s et grand A

Preuve que la majorité des malgaches majeurs n’étaient pas indifférents aux idées de Marc (puisse-t-il me  laisser l’appeler ainsi), le beau, après explications, querelles et corps-à-corps, gagne finalement les élections de 2002 au premier tour face à Ratsiraka (un autre bogosse de son temps, je le connais très peu). Je crois que c’est en partie grâce aux stylos, T-shirts et flyers : ceux de Ravalomanana avaient un meilleur design.

Parmi ses brillantes idées, construire les routes était une priorité pour Marc. « Il a mis du bitume jusqu’au devant de nos portes ! C’est une révolution !» disaient les gens bien et les partisans tandis que les mauvaises langues leur demandaient « Est-ce que le goudron fait bouillir vos marmites ? »

Dans son premier mandat, je me souviens que Marc avait envoyé des centaines d’étudiants brillants poursuivre leurs cours à l’étranger. Je me souviens aussi qu’il avait distribué des vélos pour une modique somme. A Tuléar, les files d’attente pour se procurer ce qu’on appelait « bisikileta ravalo » ressemblaient à quelques millimètres près à la queue qu’il y a devant un guichet de la Bank of Africa en fin de mois. Ce sont les seuls souvenirs qui me reviennent. Il y en a sûrement d’autres.

Image n’ayant aucun rapport. Juste pour faire joli (Source)

Urine et deuxième mandat

« Etre président c’est comme être père de famille : tu montres la fiche de paie à Madame, tu scolarises et nourris le gosse. Ce n’est qu’après que tu peux voir ailleurs pépère. » avait dit quelqu’un que je connais bien. Je ne sais pas si vous êtes d’accord. Marc comprenait la combine pour bien diriger à Madagascar : être généreux, bien payer l’armée et les fonctionnaires et rédiger des pages et des pages de projets pour avoir quelques sous des bienfaiteurs de la planète. Te souviens-tu de MAP (Madagascar Action Plan) que des comiques ont détourné en « Marc Atsangana ho mPanjaka » (Marc Adoubé en Prince). Ce fut une longue liste d’innovations sociales, agricoles et environnementales. N’était-ce pas  bien ça ?

A mon avis, « voir ailleurs » pour lui, l’emportait de plus en plus sur la famille, si bien que les mauvaises (ou bonnes ?) langues commençaient à gagner du terrain. Les rumeurs, qui jusqu’à preuve du contraire resteront des rumeurs, se propageaient comme des barres d’esquimaux en période de canicule. On disait par exemple que les routes ont été tracées pour booster les chiffres d’affaire de ses sociétés. On disait aussi que les sodas de sa société agroalimentaire contenaient un peu des traces de sa personne, quelques nanoparticules d’urée, tu vois ce que je veux dire ? Dans les années 2007, écouter les ragots était devenu plus divertissant que regarder les séries brésiliennes ou les déboires de Michael Jackson et Britney Spears à la télé.

Et on connaît tous plus ou moins le dénouement de l’histoire : de la rue, fortement soutenu et encouragé, est venu le jeune Rajoelina, un autre bogosse qui a sûrement un conseiller en image plus expérimenté. Rédempteur selon les uns, « Est-il généreux ? Va-t-il distribuer des TGV » demandent les autres.

 

Ce que je retiens de tout ça

Des questions peut-être bêtes et  naïves, mais du moins des questions me viennent. Je me dis que je dois en poser maintenant que je suis en âge de voter, en âge d’entrer dans des parties, en âge de, en âge de.

A quand une place importante dans l’exécutif et le reste, cessera-t-il d’être une activité lucrative au pays de Rajoelina (c’est aussi son pays  hein !)? A quand va-t-on arrêter de promettre aux citoyens des droits et privilèges qui, logiquement doivent leur revenir, sans faire passer qui que ce soit comme héros ? A quand va-t-on moins se préoccuper de  combien, le candidat X a investi en campagne, mais plutôt se concentrer sur son « programme » ?

Je vais voter. Et comment que je vais voter ! Je n’attends plus que la date des élections et des propagandes ! Tout d’abord je verrais bien ces riches candidats généreux qui, selon (toujours) les dires, partageraient des billets verts du haut d’un hélicoptère. Je serai là avec un panier pour ramasser. Je collectionnerai les stylos, ça me fera des dépenses en moins pour le budget fournitures scolaires en ces temps de crise. Même principe pour les flyers et les T-shirts : les premiers feront de rugueux mais économiques PQ et les derniers des layettes pour mes futurs petits-enfants (Normalement, nous sommes à la partie du billet où je déconne le plus). Je profiterais des campagnes, toutes, mais ce sont pour les idées que je voterai. Enfin si vote il y aura !

 

Pour conclure avec Marc, il y eut des moments où le rôle d’Homme fort de Madagascar depuis sa Air Force One, lui allait à merveille. Ce ne seront sans doute que quelques malheureuses secondes face à des tours et des tours d’horloge de dérapage. Aujourd’hui, dans le pays, « Faut-il le laisser rentrer ? » est une question encore plus épineuse que « Faut-il laisser les gays se marier ? ». Mais aux dernières nouvelles, il rentrerait avant la fin du mois. Va-il re-re-re-re-rater l’avion ?

« Marc Ravalomanana, mon beau et généreux président », ai-je bien fait de choisir ce titre ?

 

 

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